Fonds de la période 1939-1945

Les recherches dans les fonds de la Seconde guerre mondiale intéressent nombre de chercheurs mais aussi de particuliers désireux de reconstituer le parcours de leurs ascendants. Les archives relatives à cette période sont majoritairement conservées dans les versements des administrations cotés dans la série W. L’état des versements est consultable sur le site internet. La plupart ont été recensés dans l’ouvrage intitulé La seconde guerre mondiale. Guide des sources conservées en France, 1939-1945.- DAF, Paris, 1994.
La présentation suivante n’est pas exhaustive mais elle aborde la majorité des sujets qui font l’objet des demandes de recherche adressées aux Archives départementales.
La plupart des thématiques (vie politique et quotidienne sous l’Occupation, ravitaillement, prisonniers de guerre, collaboration politique et économique, résistance, répression, persécution des familles juives) sont couvertes par les versements du cabinet du préfet (51 W), de la préfecture de région (40 W), du commissariat régional de la république (52 W), des sous-préfectures du Havre (32 W) et de Dieppe (1408 W, 4255 W) et des renseignements généraux (200 W, 1881 W). Le dépouillement de ces archives est incontournable avant d’explorer des fonds plus spécifiques.
Il convient de ne pas négliger la consultation des archives communales qu’elles soient déposées aux Archives départementales (sous-série 3 E) ou conservées en communes -notamment dans la sous-série 5 H qui concerne les faits de guerre.
La collecte d’archives privées organisée 2014 pour le 70ème anniversaire de la Libération a permis de recueillir des archives familiales souvent inédites. Les documents ont été numérisés, les vues indexées et classées dans la sous-série 1 num.

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Les actes de résistance et leur répression

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Concernant la Résistance, les archives publiques sont essentiellement les archives de la répression. Les archives du Service régional de la police judiciaire (54 W) et du tribunal correctionnel de Rouen (1239 W) rendent compte de la diversité des actes de résistance (sabotage, cambriolage de mairie, assassinat de soldats allemands et de collaborateurs notoires) et de leur temporalité, de la collaboration des forces de police allemande et française dans la traque des résistants et du démantèlement des réseaux. Ces dossiers contiennent notamment des documents saisis lors des perquisitions (tracts, journaux clandestins, correspondance) et des photographies de sabotage. Les dossiers versés par le SRPJ concernent tous les départements normands et ont été indexés pour faciliter les recherches.
Les jugements rendus par la section spéciale près la Cour d’appel de Rouen (1941-1944) à l’encontre des résistants communistes sont conservés sous les cotes 2924 W 31 et 4979 W 1.

En l’absence de renseignements, il est utile de consulter les registres d’écrou des maisons d’arrêt qui attestent des dates d’incarcération, du motif d’arrestation, de la date du jugement et des autorités concernées (série W). A noter que les archives concernant l’emprisonnement des Résistants dans les geôles du Palais de justice et le quartier allemand de la maison d’arrêt Bonne-Nouvelle à Rouen ont été détruites lors des bombardements d’avril 1944 ou ont disparu.

Pour entrevoir l’organisation des réseaux de résistance et retracer le parcours des Résistants, il convient de consulter les dossiers de demande du statut de Combattant volontaire de la Résistance versés par l’Office national des anciens combattants et victimes civiles (3868 W, 4691 W) et des fonds d’archives privées comme le fonds Floch (8 J), responsable du bureau de Rouen des Forces françaises combattantes et de l’intérieur, qui comprend les ordres de marche des réseaux et des fiches de renseignements individuelles.


En source complémentaire, il est possible de consulter le Service historique de la Défense à Vincennes ainsi que la Fondation de la Résistance qui a recensé les centres d’archives et les fichiers permettant d’accéder aux dossiers individuels. Pour la région du Havre, un collectif a réalisé un grand nombre de notices biographiques consultables sur le site « Havrais en résistance ».

Internés, déportés, fusillés

Dans le versement de la Direction interdépartementale des anciens combattants (4660 W), sont conservées des cartes d’internés et de déportés politiques et résistants ainsi que les fiches médicales remplies au retour de la déportation. Dans les années 1980, les Archives départementales ont collecté les témoignages des anciens déportés (9 AV) qui racontent ce qu’ils ont vécu depuis la déclaration de guerre jusqu’au retour de déportation. Ces témoignages ont été numérisés et sont consultables sur le portail intranet des archives. La plupart ont été indexés pour faciliter leur écoute.

Toutefois, les dossiers les plus complets sont conservés par la Division des archives des victimes des conflits contemporains du Service historique de la Défense à Caen où l’on peut consulter les dossiers individuels des personnes pour lesquelles un dossier de demande de statut a été déposé après la guerre (internés, déportés, victimes civiles, déportés pour le travail, réfractaires au Service du travail obligatoire, prisonniers de guerre). 

Initié par le Maitron et le CNRS, le dictionnaire biographique des fusillés 1940-1944 contient 26 000 notices rédigées par un collectif de chercheurs. Le site internet est régulièrement enrichi de nouvelles notices notamment sur les victimes civiles massacrées.

Le centre de documentation des persécutions nazies Arolsen Archives dispose de la plus vaste collection documentaire sur les victimes du nazisme, dont des documents sur les camps de concentration, le travail forcé et les personnes déplacées. Les fonds sont uniques à la fois par leur volume (plus de 30 millions de documents, 26 km linéaires) et par leur contenu. Le fichier central des noms, comprend 50 millions de fiches sur plus de 17,5 millions de personnes. De nombreux documents ont été numérisés et sont consultables en ligne.

En 2024, les notices biographiques des victimes du nazisme du département en cours d’élaboration seront publiées dans le dictionnaire biographique des victimes du nazisme en Normandie.

Militaires et prisonniers de guerre

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Les dossiers des militaires sont conservés par le SHD à Pau. Les dossiers individuels de demande de carte de combattant sont conservés par le service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) toutefois il est possible de trouver des listes, des procès-verbaux de commissions et des cahiers d’enregistrement dans plusieurs versements de l’ONAC-VG (série W).

Les dossiers individuels des prisonniers de guerre sont conservés par le SHD à Caen. Dans le versement de la sous-préfecture de Dieppe (4255 W), on trouve des renseignements relatifs à la libération des prisonniers de guerre dieppois. 

A noter que dans le versement 60 W sont conservées des fiches individuelles concernant le travail des étrangers et notamment les prisonniers de guerre allemands. Sur ce sujet, un versement de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) conservé sous la cote 5246 W traite de l’emploi des prisonniers allemands dans les opérations de déminage d’après-guerre.

Relève, Service du travail obligatoire et réfractaires

En faisant leur généalogie, des particuliers découvrent qu’un de leur ascendant a travaillé en Allemagne ou dans des territoires occupés, de son plein gré ou après avoir été réquisitionné dans le cadre notamment du Service du travail obligatoire. Les documents relatifs à l’organisation de ces départs sont à rechercher dans les archives des préfectures et sous-préfectures. L’ONAC-VG a versé les dossiers de demande de reconnaissance des statuts de personnes contraintes au travail et des réfractaires au STO (4691 W, 4718 W).


Pour connaitre le parcours de la personne en Allemagne ou dans les territoires occupés, le chercheur doit interroger la Division des archives des victimes des conflits contemporains et Arolsen Archives.

Les persécutions des familles juives

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Le versement du commissariat central de Rouen (3352 W 2) est l’un des versements les plus riches de France sur la persécution des Juifs en province. Même s’il ne représente matériellement que 0,20 mètre linéaire, il donne des renseignements précieux sur le recensement et les rafles des familles juives dans l’agglomération rouennaise. On y trouve notamment un registre ayant servi à plusieurs reprises à recenser les Juifs rouennais et les procès-verbaux d’arrestation dressés par les policiers lors des rafles. Pour faciliter les recherches, ces documents ont été indexés et numérisés. Ils sont consultables en salle de lecture. Sous la cote 2680 W 15 sont conservés les dossiers d’arrestation des familles juives résidant à Sotteville-les-Rouen. Pour le reste du département, ces informations se trouvent dans les versements de la préfecture, de la préfecture de région et des sous-préfectures.


Les archives préfectorales mais aussi les archives des tribunaux de commerce et de la banque de France (2 ETP 379) permettent d’étudier l’aryanisation économique et la spoliation des biens juifs. Les dossiers d’épuration de Jean Spach, André Coulon et Michel Dussaule (245 W) permettent de cerner la collaboration entre les autorités allemandes et françaises dans l’organisation et la mise en œuvre des rafles. L’étude des dossiers d’étrangers (4 M, 22 W) et des recensements de population (6 M) permettent de reconstituer certaines trajectoires individuelles. A noter que les cartes d’identité des étrangers comportent la photographie de la personne, et parfois des enfants.
Des fragments d’archives du Commissariat général aux questions juives et de la Police aux questions juives sont conservés dans le versement de la préfecture de région (40 W) et dans le dossier d’épuration d’André Coulon, délégué régional de la Police aux questions juives (245 W).

Pour l’aryanisation économique, il faut consulter le fonds AJ 38 du Commissariat général aux questions juives conservé aux Archives nationales. Le Service historique de la Défense à Caen conserve également des dossiers individuels tout comme le Mémorial de la Shoah. Les sites Arolsen Archives et Yad Vashem sont également une source importante pour retracer le parcours des déportés juifs.

Les dossiers d’épuration

Depuis quelques années, les Archives départementales sont interrogées par des particuliers qui enquêtent sur des secrets de famille liés à l’épuration. Le versement 245 W concerne les jugements et les dossiers de procédure des cours de justice et des chambres civiques de Rouen, du Havre et d’Evreux. Les jugements ont été numérisés et sont consultables en salle de lecture. Les dossiers de procédure des affaires jugées, des non-lieu et des affaires classées ont été indexés pour faciliter leur accès. Ces dossiers sont parfois très succincts, parfois très conséquents. Ils peuvent contenir des pièces à conviction saisies lors des perquisitions. C’est ainsi que dans le dossier de Jean Spach, secrétaire général de la préfecture, on retrouve des documents d’archives qui auraient dû se trouver dans le fonds du cabinet du préfet (51 W).

Dans le versement 70 W, sont conservées les archives du centre d’internement Join-Lambert de Rouen où ont été internées les personnes arrêtées en 1944-1945, avant ou pendant l’instruction de leur affaire par la cour de justice et les chambres civiques.

Les dossiers d’épuration sont une source indirecte sur les actes de résistance et les arrestations de familles juives.

Victimes civiles

Le département de Seine-Inférieure a connu de nombreux bombardements qui ont occasionné de très importants dégâts matériels mais aussi de nombreuses victimes parmi les civils. Pendant de longues années, il fut difficile de parler de ces souffrances parce qu’elles étaient imputables aux bombardements anglo-américains. Les sources sont fragmentaires et disséminées dans les versements de la préfecture, sous-préfectures, commissariats (série W), les archives communales et hospitalières (série H dépôt). Le lecteur consultera les listes de victimes, les rapports sur les bombardements, les registres d’entrées et les registres des décès des hôpitaux. 

Concernant les victimes civiles tuées par des soldats allemands, il existe un recensement des exactions demandé après la guerre par les autorités judiciaires (4979 W 1) qui aborde surtout les exactions commises lors de la Libération. Les cotes 51 W 283 et 451 (cabinet du préfet) traitent également ce sujet.


La Division des archives des victimes des conflits contemporains conserve des dossiers sur ces victimes qui ont reçu le statut de « mort pour la France ».

Les destructions matérielles et la reconstruction

Les destructions matérielles occasionnées par la guerre (occupation, bombardements allemands et anglo-américains) ont donné lieu après la guerre à des indemnisations appelées dommages de guerre. Le fond des dommages de guerre et de la reconstruction (238 W), produit initialement par la délégation départementale du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), contient des demandes de réparation de dommages subis pendant la Seconde guerre mondiale. Divisé en six grandes rubriques (mobilier familial, habitations, bâtiments publics, bâtiments agricoles, bâtiments industriels et commerciaux, reconstruction en ilot), cet ensemble est composé de dossiers classés par nom ou par lieu. On y trouve le plus souvent, outre la correspondance, les devis et les différents règlements ou contentieux, de nombreux plans des biens détruits, mais aussi des biens après la reconstruction quand ils ne sont pas reconstruits à l’identique. Ce fonds fournit donc aux chercheurs et aux particuliers des renseignements précieux sur l’évolution de l’urbanisme après-guerre et sur les conséquences économiques des dommages. Les dossiers ont été indexés pour faciliter les recherches. A noter que seul un échantillonnage des dossiers a été conservé.
Un guide des sources sur la reconstruction dans le département est consultable sur ce site internet.

Communicabilité

De 1998 à 2017, plusieurs dérogations générales ont autorisé la libre consultation des documents relatifs à la Seconde guerre mondiale. La plupart sont aujourd’hui librement communicables sauf les dossiers de procédure des tribunaux ordinaires, comme le tribunal correctionnel de Rouen (1239 W), même s’ils concernent des actes de résistance, qui sont toujours soumis au délai de 75 ans et les fiches médicales établies lors du rapatriement des déportés qui sont consultables après un délai de 120 ans. Dans ces deux derniers cas, le code du patrimoine prévoit une libre communicabilité des documents si la personne est décédée depuis plus de 25 ans.

Seule la communication fait l’objet de la dérogation générale. La reproduction qui concerne également les photographies qui peuvent être prises en salle de lecture est soumise à une demande de dérogation. Dans les faits, seuls les dossiers d’épuration dont la date la plus récente du dossier a souvent moins de 75 ans sont concernés par ces restrictions.

Les dossiers constitués après la guerre pour une demande de reconnaissance d’un statut donnant droit, dans bien des cas à une pension, sont alimentés bien souvent jusqu’au décès de la personne. Ces dossiers sont soumis au délai de 50 ans et de 120 ans pour les documents médicaux. Ils peuvent ainsi encore être non communicables et doivent faire l’objet d’une demande de dérogation pour être consultés.